À l’ère où les grandes entreprises tendent à externaliser l’ensemble des activités s’éloignant de leur core business (sécurité, nettoyage, infogérance informatique…), le retour à une intégration verticale en aval redéfinit, dans une certaine mesure, les limites de cette externalisation (impartition). La dimension multimodale du transport international a « forcé » certains grands donneurs d’ordre à redéployer des ressources logistiques internes afin d’optimiser le coût et l’efficacité de leur approvisionnement. Ceci se confirme notamment par une adoption accrue de l’incoterm FCA lors de la conclusion de contrats avec leurs fournisseurs étrangers. Mais de quoi s’agit-il exactement et quelles sont les raisons de cette tendance ?
Les incoterms (INternational COmmercial TERMS) sont des normes internationales déterminant les obligations réciproques du vendeur et de l’acheteur, ainsi que la répartition des frais et des risques, en termes de transport dans le cadre d’un contrat d’achat ou de vente. Ces normes sont établies par l’ICC (International Chamber of Commerce) et ont été modifiées pour la dernière fois en 2010 afin de redéfinir les plus importants cas de figure pertinents observés. La révision décennale des incoterms est en cours à l’ICC ; les nouvelles normes devraient être annoncées dans le courant de l’année 2019, et seront d’application à partir du 1er janvier 2020.
D’habitude, les grands donneurs d’ordre utilisent ces différentes normes en fonction de leurs besoins, de leur propre capacité mais aussi de celle de leurs fournisseurs. Mais, dernièrement, une de ces normes se démarque par son emploi croissant sur tous les segments d’achats. Nous vous proposons de préciser les raisons pour lequelles l’usage de l'incoterm FCA prend le pas sur celui des EXW, FOB et DDP.
D’un côté, une bascule est observée de l’EXW vers le FCA. Lorsqu’une entreprise achète en EXW, son fournisseur doit en principe se limiter à rendre disponible la marchandise avant son ramassage.
Il est courant que le chargement de cette marchandise soit effectué par le fournisseur en question car celui-ci dispose des outils appropriés à cette fin. Cependant, la responsabilité de tout dommage résultant de cette tâche incombe souvent à l’acheteur.
Les marchandises doivent également être dédouanées avant leur acheminement et ce processus est coûteux, prend du temps et peut être complexe en fonction des règles du pays exportateur. De ce fait, en basculant de l’incoterm EXW vers le FCA, le fournisseur s’occupera des documents administratifs douaniers et justifiera plus facilement la sortie du territoire de production, auprès des autorités locales. Ceci délestera l’acheteur de cette tâche qui nécessite une expertise à acquérir et du temps à y consacrer.
De plus, les risques durant le chargement, le transit et le déchargement de la marchandise seront supportés par le fournisseur qui a une meilleure connaissance de son pays, de son produit et des risques potentiels liés au transport de celui-ci.
En réalité nos études indiquent que l’utilisation de l’incoterm EXW se limite désormais aux commandes nationales et s’emploie encore dans les rares cas où le fournisseur ne disposerait pas de compétences « logistique et douanière » internes suffisantes.
D’un autre côté, la décision de pivoter du DDP vers le FCA devient de plus en plus fréquente. En effet, la dimension multimodale du transport international permet de scinder le parcours logistique afin de ne pas laisser l’intégralité de la livraison au fournisseur en question ou à une unique société de transport, dans une logique de maîtrise des risques, d’optimisation des coûts et des flux de transport.
Dans les faits, lorsqu’une commande est effectuée suivant les conditions DDP, le fournisseur va soit faire appel à un prestataire externe, dont les contrats sont rarement aussi bien négociés que pourrait le faire un grand donneur d’ordres, soit user de ses ressources internes, mais n’assurera probablement pas l’excellence logistique à la hauteur des attentes de l’entreprise.
Dès lors, la phase « aval » de la livraison en FCA sera soit entièrement internalisée par le donneur d’ordres avec ses propres ressources logistiques, soit internalisée en partie avec l’intervention d’un transporteur tiers pour l’acheminement vers un dépôt central dans le pays de l’acheteur. En s’accaparant le dernier maillon de la chaîne logistique, le donneur d'ordres « mitige » son risque et peut exiger plus de son fournisseur en matière de logistique en amont (chargement et transit). Des flux de transport maîtrisés deviennent une exigence business forte, dans une économie où les exigences de célérité et de réactivité sont toujours plus fortes.
L’usage de l’incoterm DDP est de ce fait restreint à une commande unique – souvent de machines, d’échantillons ou de pièces de rechange – et est rapidement abandonné lorsqu’une fréquence d’achat est établie.
L’incoterm FOB, le plus proche du FCA bien qu’utilisé exclusivement pour le transport fluvial et maritime, est également délaissé pour une toute autre raison : le FOB est l’un des plus anciens termes commerciaux, utilisé depuis le XVIIIe siècle en Angleterre, et n’est pas approprié pour le transport en conteneurs qui devient la norme.
Les conditions FOB stipulent que le fournisseur doit livrer la marchandise à bord du navire, mais actuellement environ 80% du commerce mondial est effectué en conteneurs qui doivent être déposés au parc à conteneurs ou dans une station de fret. De ce fait, à moins que le vendeur ne possède le port d’origine, il ne peut livrer la cargaison directement au navire. De plus, si la marchandise se trouvait endommagée pendant le transit, la question du transfert de responsabilité peut être épineuse.
L’incoterm FCA a été spécifiquement conçu pour la conteneurisation de la navigation moderne et son usage implique que l’acheteur récupère la marchandise dans les locaux du vendeur ou dans un autre endroit désigné par l'acheteur.
Le coût total du transport est décomposable et, de ce fait, une bonne maîtrise des maillons de la supply chain (y compris fiscale) permet de l'optimiser. Mais la décision de tendre vers le FCA n’est pas uniquement de l’ordre de l'économie « directe ». Par exemple, dans le secteur des équipementiers automobiles il est primordial d’optimiser les flux logistiques en amont et en aval pour respecter le triptyque classique : coût, qualité, délai. L’utilisation du just-in-time (JAT) est prépondérante dans ce secteur. Pour faciliter l’organisation du JAT, les flux de transport en amont doivent être pilotés de manière optimale car la gestion des flux en aval va en être facilitée. Pour ce faire, le milk-run (la « tournée du laitier ») est une solution pour transporter les marchandises d’un dépôt central à différentes zones d’assemblage, ou pour récupérer les marchandises chez différents fournisseurs en utilisant le même moyen de transport. Cette maîtrise permet d’obtenir une gestion des stocks mieux surveillée et contribue au lean management.
Notre expérience nous montre que la décision de basculer vers l’incoterm FCA doit être étudiée attentivement et préparée en amont entre les donneurs d’ordres et leurs fournisseurs pour anticiper d’éventuelles mésententes. Tout d’abord, pour faire sens, l’incoterm FCA doit obligatoirement être suivi d’un emplacement (exemple : FCA Dépôt Fournisseur Shanghai). On note également que :
Des limites demeurent cependant quant à la normalisation du FCA et à la prise en charge d’une partie du transport. On note principalement que :
Dans le cadre des missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage confiées par ses Clients, CKS a observé que l’utilisation de l’incoterm FCA prend une place prépondérante auprès de certains acteurs majeurs d'industries fortement exposées à des approvisionnements off shore. Les pratiques d’achats et supply chain de ces derniers sont assez normalement avancées et leur retour d’expérience est précieux. Une connaissance approfondie des règles (y compris fiscales) du commerce international, combinée à une maîtrise des processus logistique et d'achat (coûts d'approche, ingénierie contractuelle) sont les clefs d'une stratégie d'approvisionnement réussie. L'agilité et la capacité à « pivoter » restant, comme dans tous les métiers, la condition d'accès à plus de performance.
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